Nathalie
Nathalie Warzée
 
Docteur en Sciences (Biologie)
Université Libre de Bruxelles

Résumé de la thèse de doctorat

Des proies imprévisibles et des arbres hôtes défavorables influencent la distribution spatiale du prédateur polyphage Thanasimus formicarius (L.) (Coleoptera : Cleridae)




La polyphagie est couramment rencontrée chez les insectes. Cette étude s’est intéressée au prédateur généraliste des scolytes, Thanasimus formicarius (L.) (Coleoptera, Cleridae), qui se nourrit de nombreuses espèces de scolytes infestant les peuplements d’épicéas, de pins et de feuillus. Il répond aux phéromones de plusieurs scolytes, dont le scolyte de l’épicéa le plus dommageable en Europe, Ips typographus (L.). Les adultes de Thanasimus attaquent les adultes de scolytes et pondent sur des arbres infestés où leurs larves se nourrissent des stades immatures des scolytes. Cependant, un effet « bottom-up » (c’est-à-dire une influence d'un niveau trophique inférieur) limite l’impact de Thanasimus formicarius sur les scolytes de l’épicéa, car dans la plupart des cas l’écorce de l’épicéa est trop fine pour le creusement de la logette nymphale et les larves matures doivent quitter les arbres. Par contre sur le pin, l’écorce plus épaisse favorise la nymphose de l'insecte et son succès reproductif y est élevé. 

Le présent travail estime les avantages (proies complémentaires durant des trous dans la phénologie des scolytes du pin ou dus aux fluctuations de population de la plupart des scolytes) et les dangers (atterrissage sur des arbres hôtes défavorables pour la reproduction du prédateur) d’avoir un large spectre de proies pour T. formicarius.

Des piégeages passifs à l’aide de pièges barrières ont montré que la présence et l’abondance des espèces de scolytes varient fortement d’année en année. La polyphagie de  T. formicarius apparaît donc ici comme un moyen pour palier les fluctuations dans l’approvisionnement en proies (c’est-à-dire en infestation de scolytes).

Ce mode de nutrition peut amener T. formicarius dans des peuplements pas toujours favorables à son développement (par exemple, les épicéas). A l’échelle de l’arbre, des entonnoirs et des pièges d’activité au sol ont capturés de nombreuses larves du 3ème stade de T. formicarius (L3) se déplaçant à la surface de l’écorce d’épicéas debout infestés par Ips typographus (respectivement 365 et 70 L3). Après s’être nourries sur toute la longueur du tronc, les larves ne pouvant se nymphoser dans l’écorce trop fine du tronc, sont forcées de migrer à l’extérieur des galeries de scolytes (à la surface de l’écorce) vers la base du tronc, où l’écorce y est plus épaisse, ou même de quitter l’arbre à la recherche de sites de nymphose adéquats dans la litière. Ce déplacement forcé expose les larves à un risque de prédation élevé de la part d’animaux tels que, par exemple, des musaraignes, des carabes et des oiseaux.

A l’échelle des peuplements, différents piégeages ont montré une corrélation entre les captures de T. formicarius et la proportion de pins autour de chaque piège. Par conséquent, en biologie des métapopulations, les pins agiraient donc comme « sources » de prédateurs, tandis que les épicéas seraient des « puits ». En effet, des Thanasimus formicarius adultes sont capturés en plus grand nombre dans les peuplements mélangés comprenant du pin. Cette observation est corroborée par 4 années de piégeage dans le Nord-Est de la France, suite aux tempêtes de 1999. Les rapports prédateur/proies (T. formicarius/I. typographus) sont plus élevés dans les peuplements comprenant du pin que dans ceux essentiellement composés d’épicéas. Les premiers pas pour une méthode de prédiction des infestations d’Ips typographus grâce aux rapports prédateur/proies ont été développés.