P. Marage - Thèmes de recherche en physique des particules élémentaires

(février 2006)


Mon domaine de recherche est l’étude expérimentale de la physique des particules élémentaires. Je me consacre principalement au traitement et à l’interprétation des données dans le cadre de collaborations internationales : de 1980 à 1992 collaborations WA59 et E632 pour l’étude des interactions de neutrinos en chambre à bulles aux accélérateurs du CERN et du Laboratoire Fermi à Chicago ; depuis 1987 collaboration H1 au collisionneur électrons-protons HERA à Hambourg ; depuis 2005, collaboration CMS au collisionneur protons-protons LHC au CERN..

Diffraction et QCD

Mes recherches ont principalement porté jusqu'ici sur l’étude des interactions diffractives et de la chromodynamique quantique. La diffraction gouverne le comportement à énergie asymptotiquement élevée des interactions fortes entre hadrons ; elle constitue une sorte de généralisation de la diffusion élastique, et est intimement liée à des propriétés fondamentales de la mécanique quantique (unitarité). Son interprétation en termes d’échange de quarks et de gluons est un enjeu essentiel pour la théorie des interactions fortes (chromodynamique quantique, QCD). La composante diffractive apparaît dans les interactions neutrinos-nucléons (interactions faibles) et électrons-nucléons (interactions électromagnétiques) en raison de fluctuations quantiques de nature hadronique des bosons intermédiaires (bosons W et Z, photon).

Dans le cas des interactions de neutrinos de type courant chargé, aux petites valeurs de l’échange de quadri-impulsion Q2, j’ai observé pour la première fois la production d’états finals hadroniques formés d’un seul pion, dus à l’interaction diffractive cohérente, sur l’ensemble des nucléons d’un noyau atomique, de la composante axiale du courant faible (correspondant à une asymétrie gauche-droite des particules élémentaires). Ce processus a notamment permis de tester à haute énergie l’hypothèse de conservation partielle du courant axial (PCAC). 

Au collisionneur HERA, une composante diffractive a été mise en évidence dans le domaine profondément inélastique (grand Q2). Ici, une étude détaillée de la diffraction est réalisée dans un très grand domaine cinématique, et à travers l’analyse de nombreux canaux différents (interactions diffractives inclusives et mesure de la fonction de structure diffractive, propriétés inclusives de l’état final hadronique, production diffractive de jets de grande impulsion transverse et de particules charmées, production exclusive de mésons vecteurs). J’ai participé très activement à l’ensemble de ces études, en me consacrant particulièrement à la production diffractive de mésons vecteurs et à son interprétation dans le cadre de la théorie QCD.

Nouvelle physique, au-delà du Modèle Standard

L'un des buts principaux de la mise en fonction du Large Hadron Collider (LHC) à partir de 2007-2008 au CERN est la mise en évidence d'une "nouvelle physique", au-delà du Modèle Standard des particules élémentaires, motivée par la recherche de l'unification des forces fondamentales de la nature (forte, électrofaible et gravitationnelle), et par la recherche de la "matière noire" de l'univers qui pourrait être liée à cette interaction unifiée.

L'une des possibilités en ce sens est l'existence de dimensions supplémentaires de l'espace-temps, rendues manifestes à l'échelle du TeV (qui est celle mise en oeuvre au LHC) par l'existence de nouvelles particules, en particulier de gravitons se propageant dans ces dimensions supplémentaires qui "diluent" l'intensité mesurable de la force gravitationnelle dans notre espace-temps à quatre dimensions. Je me consacre à la préparation de la recherche de telles particules au LHC, à travers leur désintégration en une paire d'électrons ou en une paire de photons de haute énergie.

Autres thèmes de recherche

Dans le cadre des expériences d’interactions de neutrinos, j’ai également contribué à la mesure des fonctions de structure du nucléon et de leur modification dans le noyau (effet "EMC"), à la première observation du phénomène de "shadowing" (écrantage), à la mesure de la production particules charmées (production semi-inclusive avec deux leptons et production de mésons charmés étranges Ds), ainsi qu’à l’étude de divers aspects de la gerbe hadronique.

Les recherches de la collaboration H1 à HERA portent sur de très nombreux aspects de la physique des particules élémentaires (théorie QCD, domaine électrofaible, recherches d’effets non prévus par le « Modèle Standard »). Je me suis consacré directement, en plus de l’étude de la diffraction, à la mesure de la fonction de structure du proton à très haute énergie (domaine profondément inélastique à "bas x"), et j’ai contribué occasionnellement à diverses analyses, notamment celle de la production de bosons W réels.

Instrumentation

Je me suis consacré de 1987 à 1990 à la conception et à la construction à Bruxelles de deux grandes chambres multifils cylindriques (2 m de long, 1 m de diamètre) pour le détecteur H1, puis à leur installation et au suivi de leur fonctionnement.

Je suis à l’initiative de la construction par la collaboration H1 d’un nouveau spectromètre à protons, le « Very Forward Proton Spectrometer », qui est entré en fonction en octobre 2003 et permettra une étude beaucoup plus précise (efficacité, bruits de fond) de la diffraction à HERA (conception du projet, objectifs de physique, collaboration et financement).